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"On m'avait condamné, je devais faire mes 16 ans, même innocent"

Loïc Sécher : "On m'avait condamné, je devais faire mes 16 ans, même innocent"

Créé le 26/11/2012 à 20h39

http://www.rtl.fr/actualites/info/article/loic-secher-on-m-avait-condamne-je-devais-faire-mes-16-ans-meme-innocent-7755193309

 

Condamné à tort à 7 ans de prison pour viol, Loïc Sécher vient de percevoir près de 800.000 euros de la part de l'institution judiciaire. L'une des plus grosses indemnisations versées par la justice à un condamné blanchi. Comment Loïc Sécher vit-il ce moment ? Se remet-il de ses 7 ans et trois mois passés derrière les barreaux ? A-t-il de la colère ? Loïc Sécher était l'invité exceptionnel de RTL.

Comment vivez-vous depuis votre sortie de prison ? "Pour moi la vie continue, j'ai subi une épreuve mais elle continue. On ne peut grandir qu'à travers les épreuves."

Vous avez touché 670.000 euros la semaine dernière. Le reste a servi à payer votre avocat. Comment avez-vous réagi en recevant ce chèque ?

"Je ne dirais pas que j'ai été indemnisé, j'ai reçu une indemnité. Je ne sais pas comment on peut calculer un préjudice moral, sur quelle base on s'appuie. Ça correspond à quoi, je ne sais pas. J'ai perdu 12 années de ma vie, entre l'incarcération et mon contrôle judiciaire." 

Le fait d'être reconnu comme victime d'une erreur judiciaire, ça vous aide ?

"Bien sûr. Ça me donne d'abord une indépendance financière, alors que j'étais jusqu'à maintenant dépendant de ma famille, de mes amis. Je n'avais que le RSA pour survivre. On se sent moins humilié que d'aller quémander à ses proches. Personnellement je vais bien, ce sont les dommages collatéraux qui me donnent du souci."

Quels sont-ils ?

"Ma famille qui a été complètement détruite. Ma mère, à 75 ans, est harcelée, elle était humiliée, devait raser les murs. C'est vraiment pour mes proches que je souffre, car personnellement j'ai une force de caractère et je suis en paix avec moi-même."

Comment avez-vous fait pour ne pas craquer durant toutes ces années ?

"Quand on est innocent, on ne peut pas avouer. La garde à vue a duré 2.655 jours, pas 24h, ni 48h, ni 96. Ce temps d'incarcération a été une pression par l'institution. On me faisait du chantage pour les remises de peine par exemple. Je ne suis jamais rentré dans le moule de l'institution pénitentiaire. On m'avait condamné à 16 ans, je devais faire mes 16 ans, point." 

Vous ne vous êtes jamais résolu à apporter à la justice ce qu'elle attendait : des aveux ?

"J'ai eu des moments de faiblesse, mais j'aurais préféré partir que de céder. Des tentatives de suicide, j'en ai d'ailleurs fait plusieurs..."

Est-il vrai que vous vous êtes converti à l'islam ?

"Non, c'est faux. Je n'ai ni religion, ni chapelle, ni politique."

Qu'est-ce qui a été le plus dur à vivre durant ces 2.655 jours de prison ?


"Après ma condamnation en cour d'appel. J'ai subi deux ans à vivre à six dans une cellule de 15m². Une fenêtre au nord, sans voir le soleil, 23h sur 24. C'est horrible. Je ne souhaite à personne de vivre une épreuve comme celle-là, même à mon pire ennemi."

Condamné pour viol sur enfant, avez-vous subi des brimades physiques en prison ?


"Des brimades énormes. Mais je ne veux pas m'étendre sur cette partie de mon séjour en prison. J'ai essayé d'en parler à un ami. J'ai vu que je le rendais malheureux, et j'ai arrêté. J'ai aussi un psy qui me suit, mais il a des difficultés à comprendre."

Vos proches ont-ils eu des doutes sur votre culpabilité ?

"Celui qui n'a jamais eu de doutes, c'est mon père. Il est parti, paix à son âme. Les autres en ont eu, oui, avec l'influence de l'entourage et une méconnaissance de institution judiciaire. C'est fini maintenant."

Attendiez-vous des excuses de la part de l'institution judiciaire ?

"Il n' y a qu'une personne qui s'est excusée auprès de moi, c'est l'Avocat Général. Ça lui a couté des brimades de sa hiérarchie. L'institution judiciaire et l'Etat français ne m'ont en revanche pas fait d'excuses."

Quel message lancez-vous aujourd'hui à la garde des Sceaux, Christiane Taubira ?


"Il faut revoir le code de procédure pénal, qui est un code d'inquisition de A à Z. Il date du temps de Jeanne d'Arc. Ni le rapport parlementaire de la commission d'Outreau ni mon affaire n'ont changé quelque chose."

 

Fin de citation.

 

Il y a deux domaines notables où un debriefing des accidents, des erreurs, des near miss et des comportements à risques n'est jamais fait, ce sont l'institution judiciaire, et l'enseignement des sciences. L'investissement narcissique dans ces corporations est bien trop monumental, et attire là des personnalités qui n'ont jamais acquis la maturité nécessaire pour se remettre en cause dans leurs erreurs de jugements, qu'elles soient individuelles ou collectives.

 

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