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Il faut rendre au peuple sa justice, par Jean-Claude Martinez

Cet article nous a été signalé par Chantal Cottet, au nom de Collectif Justice. Il est déjà présent sur le Figaro, et sur L'aviseur international. Liens ci-dessous.

Ce point de vue mérite discussion. Il est assez différent de nos propres propositions, mais mérite intérêt.

L'indépendance de la magistrature est-elle un dogme nécessaire,

ou une monstruosité historique, constitutionnelle et démocratique ?

Une  « monstruosité » qui ne sera sérieusement résolue qu’avec un changement de Constitution et la 6ème République

http://www.lefigaro.fr/debats/20061024.FIG000000088_il_faut_rendre_au_peuple_sa_justice.html

Il faut rendre au peuple sa justice  par Jean-Claude Martinez (Professeur des facultés, Paris-II).

Le 19 septembre, Nicolas Sarkozy dénonce « une forme de démission » de magistrats d'un tribunal français. Certes, ce mercredi n'est pas la nuit du 21 janvier 1771 où, sous les applaudissements de Voltaire, le chancelier Maupeou, ministre de Louis XV, exile 138 magistrats loin de Paris et assainit les moeurs d'une caste d'oligarques repliés sur leurs privilèges. Mais la déclaration du ministre de l'Intérieur soulève la question clef : l'indépendance de la magistrature est-elle un dogme nécessaire ou une monstruosité historique, constitutionnelle et démocratique ?

La réponse est évidente. La justice ne peut qu'être indépendante, tout comme la terre est forcément plate sinon on tomberait. C'est si vrai d'ailleurs que notre Constitution parle bien, dans son titre VIII, article 64, même si c'est par incidence, de « l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Ce que quelques-unes de nos Constitutions avaient déjà dit aussi, mais là encore plus discrètement que solennellement. Ce qui aurait dû mettre la puce à l'oreille des psalmistes de cette indépendance. D'autant que lors des débats de 1790, au moment où se rédigeait la première Constitution, l'existence même d'un pouvoir judiciaire différent et donc indépendant de l'exécutif a été niée par nombre de constituants.

C'est que ces hommes ayant connu l'indépendance intégrale du pouvoir judiciaire savaient à quoi s'en tenir. Pour un Français, la monstruosité historique est donc là : oublier que sous la robe écarlate ou noire, le ventre de la magistrature indépendante a sécrété deux siècles d'arbitraire.

       

L'essentiel est toutefois dns la monstruosité constitutionnelle de cette sainte référence à l'indépendance d'un pouvoir judiciaire, dont la nécessité est contestée par ailleurs par quelques-uns des grands noms du droit public français (A. Esmein, Éléments de droit constitutionnel, Paris, 1903, p 337). Car enfin, cette indépendance par rapport à quoi et à qui doit-elle exister ? Indépendance par rapport aux pressions ? Mais, les membres des jurys qui sélectionnent les futurs magistrats doivent aussi résister à d'éventuelles pressions. Et les pressions de quoi ? De l'argent ? Mais ce n'est pas là de l'indépendance qu'il faut. C'est de la morale.

Résister, dira-t-on aussi, aux pressions des partis, sociétés de pensée ou lobbies ? Mais il suffit de ne pas en être membre. Arrêtons de tourner autour du pot. Le juge doit être indépendant du pouvoir politique forcément corrompu, parce que, par une grâce mystérieuse, le juge serait, lui, d'une essence spéciale. Le passage par l'école de Bordeaux opérerait comme le sacre de Reims. À peine recruté, le magistrat subirait une transmutation et la France compterait ainsi 8 500 purs esprits asexués, sans passions féministes, matriarcales ou politiques et sans envies ou désirs. Soit ! Pourquoi pas ? La fonction crée peut-être l'orgasme fusionnel entre le lauréat savant qui a été reçu au concours de la magistrature et le Dieu tout puissant qui l'illumine de sa grâce. Reste toutefois le problème constitutionnel clef. Que le pouvoir judiciaire, axiomatiquement pur, doive être indépendant du pouvoir exécutif, axiomatiquement impur, passe. Mais ce pouvoir, peut-il être indépendant du peuple français ?

Si c'est non, l'indépendance de la magistrature doit être limitée. Il faut alors organiser ces limites.

Si c'est oui, la souveraineté appartenant au peuple à l'article 3 de la Constitution, le juge, indépendant de ce peuple souverain à l'article 64, devient à son tour souverain. La France s'appelle alors l'Andorre puisque, dans ce cas, comme la principauté, elle a deux souverains : le peuple et les 8 500 « évêques juges » du « Seo d'Urgel » de Bordeaux. Chacun voit bien ici la coquecigrue de l'indépendance de la magistrature qui impliquerait en plus le farfelu de juges ventriloques dont le ventre parlerait en droit au nom du peuple souverain, pendant que leurs bouches parleraient en fait au nom de leur indépendance souveraine.

Dès lors, pour sortir de cette monstruosité, où les juges ont neutralisé le pouvoir législatif en imposant leur propre conception de la loi et pris l'ascendant sur le pouvoir exécutif, à coups de mises en examen, et on l'a encore vu le 21 septembre où le premier président de la Cour de cassation a obtenu du président de la République l'allégeance, il faut rendre au peuple sa justice. Parce qu'il y a eu un « coup d'État des juges », selon le titre du livre d'Éric Zemmour, le peuple doit rétablir l'ordre démocratique dans les palais de justice en reprenant leur contrôle par le haut et par le bas.

Par le haut, le peuple doit revenir, comme à l'article 83 de la Constitution de la IVe République, au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Là, parce qu'en son nom la justice est rendue, il doit être présent par l'élection au suffrage universel direct des deux tiers des membres de ce Conseil.

Par le bas, le contrôle du peuple sur l'institution judiciaire doit s'établir d'abord lors du recrutement des magistrats. Il leur faut une période probatoire de trois ans durant laquelle un droit de libre récusation, à la disposition des conseils des parties aux procès, permettra de faire jouer la sélection des juges par la compétence prouvée ou la légèreté affichée. Aussi vrai que personne n'est obligé de se faire opérer par un interne, grâce au libre choix du praticien, comment peut-on tolérer que, dans une procédure pénale ou familiale, un justiciable doive subir la maltraitance, au minimum technique, d'un interne judiciaire inexpérimenté ? La récusation de l'actuel article 668 du Code procédure pénale doit être généralisée et libéralisée, pour permettre l'évaluation du « magistrat provisoire » par la réputation que sa pratique va lui générer.

Le peuple des usagers du service public judiciaire doit aussi contrôler le contradictoire des jugements. La règle du double arrêt, en vigueur dans les juridictions financières, avec un jugement provisoire, fourni aux parties pour observations, avant un jugement définitif, devra être généralisée à la justice judiciaire et administrative. Ainsi, la légèreté des rédactions actuelles sera dissuadée et la qualité des jugements sera augmentée. Du coup, le nombre d'appels, par exaspération du justiciable, sera diminué et un indicateur sérieux de performance de chaque juge sera ainsi créé. Pour l'évaluation de la qualité du service judiciaire

Commentaires   

#1 admin 28-02-2007 23:36
Si cet article a des propositions intéressantes, concernant les 7600 magistrats environ, il me semble louper le point économique et démographique essentiel : les 46 334 avocats et avoués. Selon notre expérience, quelles que soient les légèretés et désinvoltures de trop de magistrats, les avocats sont de fait les vrais maîtres du système, car ils contrôlent aussi le gouvernement et le législatif, en y étant surreprésentés, et très bien introduits aux postes politiques clés. Exemple : ce premier geste du gouvernement Raffarin : étendre au Tribunal administratif le monopole d'avocats.

Plusieurs d'entre nous ont aussi constaté que les greffiers se comportaient en agents commerciaux de vos avocats. C'est tout à fait révélateur et choquant.
#2 admin 11-03-2012 10:08
Cet article atteint un score de lecture considérable, alors qu'il est d'un relent populiste qui ne pouvait qu'éveiller ma méfiance. Je tiens pourtant à conserver le pluralisme d'opinions ici : l'esprit souffle où il veut... Zéro censure, mais discussions.

Un peu de recherches sur son auteur, Jean-Claude Martinez :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_de_la_France
http://www.lefigaro.fr/debats/2006/10/24/01005-20061024ARTFIG90088-il_faut_rendre_au_peuple_sa_justice.php
http://www.ina.fr/presidentielles/economie/video/CAG90004217/elections-presidentielles-jean-claude-martinez-contre-arlette-laguiller.fr.html
http://www.hautcourant.com/Jean-Claude-Martinez-ex-FN-Avec-Le,1128

Effectivement c'est un inclassable.

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