Décès de Peter F. Drucker, un spécialiste des théories du management

Décès de Peter F. Drucker, un spécialiste des théories du management

Peter Drucker, un des grands spécialistes mondiaux des théories du management, est décédé à l'âge de 95 ans à son domicile californien, a annoncé samedi l'université de Claremont Graduate qu'il avait contribué à fonder. Auteur d'ouvrages célèbres comme "Devenez manager", "A propos du management" et "L'avenir du management", Peter Drucker était né à Vienne, en Autriche, en 1909 et fait ses études à Francfort, en Allemagne. Il avait émigré en Grande-Bretagne en 1933 et très vite développé les éléments fondamentaux de sa théorie selon laquelle l'entreprise n'est pas une machine mais une assemblée d'êtres humains dont la bonne gestion et les interactions font ou défont son succès. Peter Drucker a ainsi été l'un des premiers à prôner l'intéressement des salariés aux fruits de l'entreprise et la décentralisation du processus de décision. Il s'était installé en Californie au début des années 1970 et avait contribué à l'établissement de Claremont Graduate, dans la banlieue de Los Angeles, l'une des premières universités à délivrer un diplôme d'études supérieures en gestion (MBA). Il y avait enseigné jusqu'en 2002. (MPA)

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WASHINGTON 12/11 (BELGA/AG)  12/11/2005 18:35

Ma dette envers Peter F. Drucker est inestimable.


Avec seulement deux de ses livres (j'en ai bien acheté quatre autres, de confiance, que j'ai peu ouverts...) il est un des auteurs phares de ma vie, qui vous permettent de se réorienter au fond des pires épreuves.

Avec Peter Drucker, toute sa vie on se redemande si ma contribution est la meilleure de celles qui sont utiles. En une page et demi, qui se lisait comme une anecdote d'entreprise, Drucker savait vous faire passer un message essentiel, qui vous suit jusqu'à votre mort. Son tour de force fut de ne jamais expliciter son éthique personnelle, alors que l'humanisme illumine implicitement chacun de ses choix pédagogiques.

Avec Drucker, on plonge au coeur de l'inefficacité politique de la brillante équipe réunie autour de JF Kennedy : leur refus d'avoir des principes ; leur outrecuidance qui voulait rester dans la toute-puissance de Ma pensée supérieure à tout instant, leur incapacité à s'admettre inférieurs aux principes de direction qu'on se serait publiquement donnés, et qui vous engageraient.

Drucker nous a donné à voir les principes de management des officiers supérieurs, de George Catlett Marshall, et nous a montré les résultats.

Drucker nous a montré la "Règle de Miss Bryan" encore active dans un hôpital dix ans après son départ à la retraite : "Faisons-nous vraiment tout ce que nous pouvons pour aider [ce malade]". Sans autre grade qu'infirmière, Miss Bryan contribuait encore à l'esprit de l'institution, dix ans après.

Des fois, on se demande si Drucker était un naïf incurable : son tour de force était de ne jamais dire du mal de personne, ni d'aucun méfait. Ce n'est pas lui qui stigmatisait un patronat ayant épuisé toute veine créative et entrepreneuriale, et qui vivait en parasite sur l'usine de grand-père. Ce genre de critique du parasitisme, il fallait ouvrir Albert Carr, pour la lire. Drucker réussit constamment le prodige de n'appuyer sur aucune critique. La critique la plus dure que j'aie lue sous sa plume est aux pages 255-256 de l'édition 1957 de la Pratique de la direction des entreprises : " ... une grande usine brûla jusqu'au sol, quatre mois après avoir commencé de produire ... Il était moralement incapable de laisser échapper la moindre parcelle de responsabilité. ... Nous avons pu distribuer au moins l'argent de l'assurance. Si nous avions attendu sa mort, nous n'aurions même pas eu cette part, et nous aurions été tout aussi incapables de continuer l'affaire".

Peter F. Drucker n'est pas sans descendance. A Lyon, nous avons aussi un créateur multiple qui a illuminé la créativité et la dialectique dans l'entreprise : Michel Fustier. Retraité, il s'est reconverti dans les livres et contes pour enfants, avec le même bonheur de créatif.

Bruno Jarrosson, dans sa Philosophie du Management (Calmann-Lévy), pages 161 à 165, expose comment Robert Georges Nivelle à piégé Raymond Poincaré, et l'a obligé à entériner le plan d'attaque au Chemin des Dames. 30 000 morts le 16 avril 1917, dont 8 000 tirailleurs africains, 60 000 morts en trois jours, 76 000 blessés, et l'offensive se poursuivra jusqu'au 5 mai. Nivelle n'aura jamais à rendre de comptes devant aucun tribunal ni aucune commission d'enquête... Poincaré a donc mal utilisé ses prérogatives et ses devoirs de chef du gouvernement. A nous d'analyser ces fautes, pour ne pas les recommencer à notre tour.

Drucker fut de ceux qui nous ont permis de ne pas sombrer sous les coups les plus abjects, de rester entreprenants dans la plus grande adversité, de rester plus créatifs que cyniques ou amers. A nous de créer et de transmettre à notre tour. 

Jacques Lavau 

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