Hommes battus, les oubliés des violences conjugales

Hommes battus, les oubliés des violences conjugales

 

Dossier réalisé par Nathalie Grigorcuik, le vendredi 9 novembre 2007 à 05:00

Près de 10 % des hommes seraient victimes de violences conjugales. Mais à en croire plusieurs études américaines et canadiennes, le nombre d’hommes battus est largement sous-estimé. Ils seraient même tout autant victimes d’agressions physiques et psychologiques au sein du couple que les femmes.

« La violence des femmes est tue, et pourtant elle tue », déplore Sébastien L. Cet homme a subi pendant des années les coups et les insultes de sa femme. Combien sont-ils comme lui, victimes silencieuses de leur compagne ? Difficile de répondre avec certitude tant le tabou est fort. « Des études sérieuses et sans préjugés ont prouvé qu’il y a eu 8 % de femmes battues et 7 % d’hommes battus au Québec ces cinq dernières années. Pourquoi les choses seraient-elles différentes en France ? » interroge le psychologue Yvon Dallaire, auteur de La Violence faite aux hommes. « La violence n’a pas de sexe. Bien sûr, un poing d’homme fera plus de dégâts mais dans 80 % des cas, les femmes utilisent des objets, qui compensent leur faiblesse relative. La violence des femmes est impensable pour beaucoup de gens, donc on croit qu’elle n’existe pas. D’autant que les hommes battus, bien évidemment, ne vont pas dénoncer. »

Des hommes pour qui la situation est peut-être encore plus dure à vivre que pour les femmes. « L’identité masculine de ces hommes est niée. Une femme sera soutenue, on la plaindra. Mais l’homme, lui, n’est plus un homme », explique Sophie Torrent, travailleuse sociale et auteur de L’Homme battu, un tabou au cœur du tabou. « Je suis surprise de voir à quel point les instances juridiques restent silencieuses. C’est quand même invraisemblable que l’on nie cette violence ! Le plus souvent, on cherche à minimiser le phénomène. C’est aussi une question financière car le budget de l’Etat va aux associations féministes. »

 

 

Priorité aux femmes

Ces dernières rejettent évidemment cette explication, de même qu’une vision symétrique de la violence. « Ce n’est pas une histoire de crédit, le fait est que s’il y a effectivement des hommes qui subissent des violences, la situation n’est pas comparable », assure une responsable de la Fédération nationale solidarité femmes. « Les femmes représentent 90 % des victimes de violences conjugales. Si celles concernant les hommes sont minoritaires, ce n’est pas parce que les hommes ont plus de mal à en parler, mais parce que c’est un fait. Une femme est assassinée tous les trois jours, il n’y a pas autant d’hommes qui décèdent. Sans compter que les hommes tués étaient souvent violents eux-mêmes. »

Au ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, on précise que l’accent est mis sur les victimes féminines car elles représentent la majorité des cas de maltraitance recensés. La construction de foyers d’accueil pour hommes n’est pas à l’ordre du jour. S’il n’existe pas de dispositif spécifique à leur intention, les hommes ne sont pas pour autant exclus du système de droit commun. Ils peuvent appeler le 39.19 (le numéro pour les victimes de violences conjugales) et leur conjoint est susceptible d’être éloigné du domicile.

Mais pour cela, encore faudrait-il qu’on les écoute… « Les juges aux affaires familiales croient toujours la femme, même si le mari fait 15 kg de moins qu’elle », résume Alain D., une ancienne victime. En effet, la prise en compte de ce phénomène est encore très difficile. Manque de structures, souffrances physique et psychologique, les hommes maltraités sont des victimes isolées… Leurs souhaits ? Etre aidés, être soutenus et surtout être entendus…

 


Matthieu (*), en instance de divorce, deux enfants : “J’étais coupé de toute vie sociale”


« Quand on est un homme, on se dit que ce genre de choses ne peut pas arriver. » Après la naissance de leur premier enfant, leurs relations ont commencé à se détériorer. « Je me suis laissé enfermer dans une sorte de bulle infernale, j’étais coupé de toute vie sociale, de tout avis extérieur. Entouré uniquement de ma belle-mère et des amis de ma femme. »

Matthieu a commencé à être dénigré, insulté et frappé par sa femme. « J’ai pris des claques, des coups de poing, des coups de pied dans les testicules, elle m’a même frappé avec le pistolet d’arrosage. Elle m’a aussi envoyé des chaises à la figure, j’ai encore des cicatrices aujourd’hui. Elle a profité de ma fragilité : je me taisais car je l’aimais. Son but, c’était de me faire craquer. Je ne l’ai pas frappée mais c’était pas loin car elle voulait vraiment me pousser à bout. »

Après la naissance de leur deuxième enfant, la situation a encore empiré.

 

« Elle me jette des cailloux »

« Elle s’enfermait à clé avec la petite après m’avoir tapé. Quand c’est devenu trop insupportable, j’ai quitté le domicile conjugal et contacté un avocat. Il m’a dit de ne pas charger la mère et de faire profil bas devant le juge pour ne pas l’« énerver ». Quand on est un homme, il faut tout justifier, on a l’impression d’être toujours le méchant. Si j’avais été handicapé à vie, le juge en aurait peut-être tenu compte. »

Et aujourd’hui encore, ça continue. « A chaque fois que je viens chercher les enfants, c’est l’esclandre, elle me jette des cailloux, elle essaie de les monter contre moi. C’est difficile pour moi de réaliser qu’une femme qui m’a aimé, qui a voulu avoir deux enfants avec moi, ait pu se comporter comme ça ».

(*) Le prénom a été modifié.

 


Chiffres-clés 

8 à 10 % d’hommes seraient victimes de violences conjugales.

En 2006, 31 d’entre eux sont décédés, soit un décès tous les 13 jours.

Par comparaison, 10 % des femmes se déclarent victimes de violences conjugales et une femme est tuée par son compagnon tous les 4 jours.

http://www.francesoir.fr/dossier/2007/11/09/hommes-battus-les-oublies-des-violences-conjugales.html       

Commentaires   

#1 admin 06-01-2008 01:22
Une nouvelle étude de StatCan sur la violence dans les familles laisse entrevoir qu'une tendance alarmante et peut-être surprenante est en ascension. Plus de femmes que jamais auparavant se mettent à attaquer leurs partenaires domestiques.

Selon l'édition 2003 de "Family violence" au Canada : un profil statistique, StatCan dit qu'il y a plus de femmes qui ont tué, blessé ou menacé leurs partenaires en 2001 que dans les années précédentes.

De 1995 à 2001, le taux d'incidents de violence conjugale rapporté par la police a grimpé - chez les hommes comme chez les femmes. En 2001, il y a eu 344 incidents pour 100'000 femmes âgées de 15 ans ou plus, soit 302 de plus qu'en 1995.

Chez les hommes, il y a eu 62 incidents pour 100'000 hommes, alors qu'y en a eu 37 six ans auparavant (càd. en 1995), soit une montée de 40% en 6 ans.

Dans le rapport, la violence conjugale comprend les cas de meurtre, de tentatives de meurtre, les agressions sexuelles et physiques, les menaces, le harcèlement et d'autres formes de violence dans lesquels l'agresseur accusé est un époux (ou une épouse), un ex-époux (ou une ex-épouse) ou un(e) partenaire de droit commun de la victime.

Pour quelques hommes abusés - exclus du financement fédéral qui a été attribué uniquement aux groupes d'aide aux femmes et enfants abusés - les conclusions du rapport suggèrent un besoin de services adaptés aux victimes masculines et à leurs enfants.

Earl Silverman a créé le groupe "Men's Line Support" à Calgary - seulement le deuxième abri au Canada pour les hommes victimes d'abus, alors qu'il y a actuellement 508 abris pour femmes au Canada.

Lui-même victime d'abus, Silverman sait ce que c'est que d'être agressé par une femme et de ne pas être soutenu et pris en charge.

"J'ai été blessé, elle me frappait et personne ne me croyait." a dit Silverman, expliquant pourquoi il a été obligé/amené à consacrer ses économies à ce projet.

Pendant que StatCan dit que 6 hommes sur 10'000 au Canada rapportent leurs incidents quand leur partenaire a essayé de les tuer ou les a insultés, la spécialiste de la violence familiale Dr. Reena Sommer croit qu'il y a - en fait - beaucoup plus d'abus qui sont rapportés.

Parce que les hommes sont habituellement plus grands et forts, il est souvent embarrassant pour la plupart des hommes d'accepter leur faiblesse et de dénoncer les abus, a dit Sommer à CTV. "Je pense qu'il y beaucoup de honte."

Mais les abus arrivent aux hommes pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles les abus arrivent aux femmes.

"C'est une dynamique relationnelle.", dit Sommer, expliquant le cycle d'enlisement des abus à partir d'une incapacité à faire face à un trauma émotionnel du passé.

"Je rapppelle que j'ai fait une entrevue une fois et c'était un "call-in-show" (je ne trouve pas le mot français). L'individu a dit : "Je fais 6 pieds 2, je suis un officier de police et ma femme me bat."

Selon Silverman, de tels scénarii se traduisent dans très peu de cas rapportés. Et le résultat, c'est que le fond fédéral pour ce problème est virtuellement inexistant.

"Nous n'avons rien au Canada, absolument rien.", dit Silverman, ajoutant qu'il n'est pas intéressé à détourner/prendre de l'argent chez les groupes de femmes.

Il veut juste que la société accepte et comprenne que les hommes souffrent aussi.

Le rapport "Family violence in Canada" a été réalisé par la "Federal Family Violence Initiative" et a été basé sur plusieurs sources, dont Incident-based Uniform Crime Reporting, Homicide Survey, Transition Home Survey, 1999 General Social Survey on Victimization et Hospital Morbidity Survey (survey = enquête/sondage).

Autres conclusions :

Deux tiers des cas de violence familiale ont été perpétré par un conjoint ou ex-conjoint, et 85 pour cent des victimes étaient des femmes.
La force physique a été utilisé dans 72 pour cent des incidents impliquant des femmes et dans 64 pour cent des incidents impliquant les hommes. Les armes ont été utilisées dans 21 pour cent des incidents contre les hommes, mais dans seulement 9 pour cent des cas contre les femmes.
Les menaces ont été la forme la plus sérieuse de violence dans 14 pour cent des cas rapportés à la police en 2001 - utilisées (les menaces) plus souvent contre les femmes que contre les hommes.
La police a posé des accusations dans 80 pour cent de tous les cas de violence conjugale. Dans les cas impliquant des victimes de sexe féminin, plainte a été déposée dans 81 pour cent des cas, et dans 69 pour cent des cas de victimes de sexe masculin.
De 1992 à 2002, le nombre d'abris au Canada est passé de 376 à 524.
Le 31 mars 2002, un total de 55'901 femmes et 45'347 enfants étaient admis dans 482 abris qui ont répondu au Transition Home Survey. La majorité des enfants étaient âgés de moins de 10 ans.
En 2001, les personnes âgées de 65 ans et plus formaient le groupe le moins touché par des crimes violents - avec un taux de crimes violents contre les seniors de 157 pour 100'000, ce qui est 14 fois moindre que le même taux pour le groupe comportant le plus de victimes : les jeunes âgés de 18 à 24 ans.



Source : http://www.ctv.ca/servlet/ArticleNews/story/CTVNews/1058111132247_51

You have no rights to post comments